Aider les civils

Après l'Armistice, le rythme de travail est moins soutenu et laisse un peu plus de temps libre aux tunneliers néo-zélandais pour jouer des matchs de rugby et de football. Néanmoins, les travaux continuent sur une passerelle à Pont-sur-Sambre, un village situé à une vingtaine de kilomètres à l’est de Le Quesnoy, tandis que l'autre moitié de l’unité est envoyée à Maubeuge, à cinq kilomètres au nord de Pont-sur-Sambre, pour la construction de deux nouveaux ponts[1].

Les tunneliers sont chaudement accueillis par la population de Maubeuge qui brandit des petits drapeaux tricolores, ainsi que des Union Jacks[2]. Une partie de la ville est construite sur une île au centre du fleuve Sambre. Ainsi, les Allemands ont coupé tous les accès et les habitants de l’île se trouvent isolés sauf par une petite passerelle en bois posée sur des barils flottant sur le fleuve.

Les tunneliers commencent la construction des passerelles le 15 novembre à 6 heures. La première est longue de 23 mètres, passant au-dessus du canal principal, et la seconde de 30 mètres, relie l’île à la porte de la ville. Alors que les hommes se mettent au travail, de nombreux réfugiés, apprenant la nouvelle de la réalisation d’un pont, affluent dans la ville et attendent devant les berges[3].

La population de Maubeuge se captive pour le travail des Néo-Zélandais. Tous les jours, des badauds regardent les tunneliers en train de dresser les deux ponts de chaque côté de l’île. Dans la soirée du 18 novembre, les deux ponts sont terminés. Le maire de la ville exprime ses vifs remerciements aux tunneliers pour la rapidité avec laquelle le travail a été accompli. La municipalité veut même remettre la médaille de la ville à la compagnie, mais par manque de temps, les remerciements officiels de la municipalité ne seront jamais organisés[4].

L’unité reçoit l’ordre de bouger vers Fayt-le-Franc en Belgique le 20 novembre 1918. Elle quitte la France, mais une partie des hommes y revient dès la fin du mois de décembre. Les tunneliers sont toujours employés à la réalisation de ponts. Le rythme de travail s’assouplit beaucoup. Ils prennent l’habitude de ne pas travailler le dimanche alors que les premiers démobilisés quittent leurs camarades[5].

Le pont n°2 à Maubeuge

Photographie du Lieutenant Robert H.P. Ronayne

MS 2008/45, Musée du mémorial de guerre d'Auckland

Une Démobilisation rapide

Dès la signature de l'Armistice, la question du retour des hommes posent un énorme problème de logistique. L’état-major néo-zélandais choisit de faire revenir les soldats des classes les plus anciennes en premier[6]. Puis, au début de décembre, il ouvre la voie de la démobilisation aux hommes mariés, dans tous les rangs de toutes les unités néo-zélandaises.

La démobilisation de la compagnie de tunneliers de Nouvelle-Zélande est toutefois un cas à part. Bien que quelques membres soient démobilisés avec le système mis en place par l'état-major dès la fin de la guerre, l'unité est rapidement rappelée au pays. En effet, les membres des compagnies de tunneliers sont perçues comme une force de travail latente, dont les industries minières des pays d’origine implorent la démobilisation immédiate[7].

Afin de ramener ces soldats au plus vite, deux importants groupes de tunneliers néo-zélandais sont démobilisés à la fin de décembre 1918[8]. Les hommes ne sont plus assez nombreux pour être maintenus en quatre sections. La compagnie est réorganisée en un QG et deux sections, comprenant les hommes de la classe 1917 dans le premier groupe et ceux de la classe 1916 dans le second.

Après plusieurs mois de requêtes urgentes pour le retour des mineurs et ingénieurs, la compagnie est démobilisée le 22 janvier 1919 en tant qu'unité complète. Aucune autre unité néo-zélandaise n’a droit à ce sort, excepté le Māori Pioneer Battalion, dont les rangs sont formés exclusivement de Māori[9]. Le voyage vers la Nouvelle-Zélande est néanmoins encore long. En ce début d’année 1919, l'important nombre de démobilisés rend les départs vers la Nouvelle-Zélande très difficiles à organiser.

Avant leur embarquement, les tunneliers patientent au dépôt néo-zélandais, situé à Larkhill, dans les plaines de Salisbury, en Grande-Bretagne. L’attente devient même interminable. Les tunneliers sont occupés durant les premiers jours de février. Ils passent une visite médicale complète, puis préparent leur paquetage dès le 7 février alors que la date du départ n'est pas encore fixée. Elle est finalement annoncée pour le 14 mars 1919.

À bord du Ionic

Photographie du Lieutenant Robert H.P. Ronayne

MS 2008/45, Musée du mémorial de guerre d'Auckland

Une Dissolution immédiate

Sous le commandement du Capitaine Daldy, la compagnie embarque à bord du S.S. Ionic pour le voyage de retour. La plupart des hommes quittent pour toujours la Grande-Bretagne et l’Europe. Le trajet se déroule sans incident alors que le bateau vogue à travers l’océan Atlantique pour gagner le canal de Panama. Il traverse ensuite l’océan Pacifique, rejoignant les îles néo-zélandaises.

Dans la soirée du 23 avril 1919, les derniers tunneliers débarquent dans le port d'Auckland. Un tel voyage, une telle expérience de la guerre, de la violence, mais aussi de la vie en communauté laissent forcément des traces en chacun de ces hommes.

Alors que les tunneliers quittent peu à peu leurs camarades pour retourner à leur vie, les autorités militaires ont déjà pris la décision de dissoudre définitivement la petite unité[10]. Le 24 avril 1919, la compagnie de tunneliers de Nouvelle-Zélande cesse d’exister. Elle n’a plus aucune utilité maintenant que le conflit est terminé, d’autant qu’une majorité des hommes est attendue rapidement à leur travail.

Les mineurs, les employés du service public ou encore les ingénieurs ne peuvent pas rester dans l'armée. Leurs employeurs sont prévenus de leur retour et les attendent avec la même impatience que les autorités militaires lors du recrutement pour former la compagnie de tunneliers, en septembre 1915. Sans effectif et sans utilité, la compagnie n’a plus lieu d’être.

Dissoute aussi rapidement qu’elle est créée, l'unité connaît une existence courte et uniquement en temps de guerre. Sa pérennisation au sein de l’armée régulière n’est pas souhaitée[11]. Même sans les tunneliers, l’art de la sape et de la mine doit être perpétué. Pourtant, aucune mesure particulière n’est prise malgré de nombreuses déclarations d’intentions[12].