Rechercher des mineurs

Dès le début de la guerre, Allemands et Français ouvrent de petits tunnels pour miner les positions ennemies. Très vite, ils s'engagent dans une lutte sous terre pour tenter de localiser et détruire les galeries creusées depuis l'autre côté du no man's land[1].

Les Britanniques se joignent au combat sous les tranchées à la fin de l'année 1914 mais, peu formés, ils ne peuvent rivaliser avec leur adversaire. Ils ont besoin de spécialistes pour entreprendre les travaux souterrains[2]. Pour ce faire, ils donnent carte blanche à John Norton-Griffiths, un entrepreneur et membre du Parlement, qui dirige une compagnie de travaux public spécialisée dans le creusement d'égoûts, de créer le plus rapidement possible des unités militaires de taupes.

À partir de février 1915, un large recrutement commence au Royaume-Uni. Au milieu de l'été, les mineurs ne sont plus assez nombreux pour former de nouvelles compagnies. Londres n'a pas d'autre choix que de se tourner vers ses Dominions, ces états indépendants membre de l'Empire britannique.

À la demande du gouvernement impérial, en septembre 1915, des mineurs et des hommes qualifiés dans des travaux de creusement de tunnel sont rapidement enrôlés pour former une compagnie de tunneliers en Nouvelle-Zélande[3]. Le recrutement commence le 17 septembre 1915. Malgré une paye trois fois supérieure à celle des autres engagés d'autres corps d'armée, les recrues ne sont pas aussi nombreuses à se présenter au bureau de recrutement. Plus de mineurs sont attendus, mais les rangs de l'unité se remplissent avec difficulté[4].

De par leur activité essentielle dans l'effort de guerre, les mineurs de houille ne sont pas autorisés à s'engager. Malgré l'instauration de quotas, un acte rare dans la création d'une unité militaire néo-zélandaise[5], la moitié de la compagnie est composée de bushmen, d'ouvriers, de fermiers, d'employés de bureau, de géomètres ou d'ingénieurs. L'engagé type est un célibataire, vivant en dehors de sa famille et âgé d'environ 32 ans[6].

Venant de toute la Nouvelle-Zélande, 250 mineurs et 150 hommes non-qualifiés sont requis pour former l'unité[7]. Néanmoins, près de 80% des engagés viennent de l'Île du Nord, l'île la plus peuplée de Nouvelle-Zélande. La majorité des hommes sont des mineurs aurifères, des carriers ou des tunneliers civils originaires d'Auckland, Waihi, Huntly ou Thames[8]. Les autres recrues proviennent de l'Île du Sud : la région du West Coast — Millerton, Reefton ou Blackball — et de la région de Kaitangata[9].

Le recrutement dans les milieux miniers pose quelques problèmes. La plupart des tunneliers sont syndiqués et quelques-uns sont des membres actifs de syndicats. Ainsi, la compagnie embarquerait 11 secrétaires de plusieurs associations ouvrières et plus de 40 membres des comités d'organisation de la « Fédération Rouge », une importante fédération ouvrière regroupant un quart des organisations syndicales néo-zélandaises[10]. De nombreux mineurs enrôlés dans l'unité ont ainsi participé à des grèves avant la guerre, comme celle de Waihi en 1912.

Le 11 octobre 1915, près de 450 hommes sont finalement regroupés sur le champ de courses d'Avondale, situé près d'Auckland, spécialement transformé en terrain d'entraînement pour les tunneliers.

Le champ de course d'Avondale

Photographie de Frederick George Radcliffe

35-R158, Bibliothèques d'Auckland

Entraînement au champ de course

À partir de la deuxième semaine d’octobre, les hommes commencent leur formation militaire de base. La ville de Wellington devait accueillir la compagnie, mais c'est finalement Auckland qui est retenu. Toutefois, le ministère de la Défense ne trouve pas de lieu approprié pour accueillir trois à quatre cents recrues. Finalement, le 20 septembre 1915, le Jockey Club d’Avondale met à la disposition de l’Armée ses locaux[11].

Les engagés ne connaissent rien du monde militaire et encore moins de la discipline[12]. Pour compliquer encore plus la tâche du personnel instructeur, le camp est situé sur un champ de courses ouvert et non dans une enceinte militaire, à quelques minutes à pied de la plus grande et de la plus animée des villes de Nouvelle-Zélande.

Lorsque le Lieutenant Neill découvre pour la première fois les recrues de la compagnie, les hommes ressemblent à tout sauf à des soldats. Ils portent encore leurs vêtements civils, trahissant pour certains, leur métier de mineur, d'ouvrier ou de bûcheron[13]. Les premiers jours de la compagnie ne sont pas de tout repos. C’est dans cet environnement bien particulier qu’est née l’une des compagnies les plus originales de l’armée néo-zélandaise.

Chaque matin, les hommes effectuent des tours de piste du champ de courses pour réveiller les muscles. Ensuite, ils partent pour une marche de plusieurs heures ou pratiquent les différents exercices en ordre serré. Durant les premiers jours, les hommes les plus âgés se sentent frustrés car ils ne se sont pas engagés pour courir et parader autour d’un champ de courses[14].

L’agréable printemps de la fin de l’année 1915 a cependant un effet bénéfique sur les engagés. Très vite, tous sont gagnés par l’esprit militaire. Ils font de leur mieux pour être de bons soldats. Les futurs officiers et sous-officiers sont concentrés à leur tâche, même s’ils manquent parfois d’initiative[15]. Bien qu’aucun d’eux n’ait d’expérience militaire, leurs efforts sont très prometteurs. L’entraînement est très basique et reprend le programme de celui des soldats d’infanterie[16].

À la fin du mois de novembre, la date d’embarquement est finalement fixée au 18 décembre 1915 après de nombreux reports. Au moment où les recrues entrent peu à peu dans le monde militaire, le ministère de la Défense se charge d'organiser l'ensemble du voyage qui mènera leurs tunneliers de l'autre côté de la terre.